Des résultats mitigés
Les sondeurs attendaient une « vague rouge », mais, à la surprise générale, les résultats sont mitigés. Les scores des candidats, tous postes brigués, avoisinent les cinquante pourcents, et oscillent globalement entre 45 % et 50 %. Seuls quelques rares exemples démentissent cette affirmation : à Hawaï, le démocrate Brian Schatz a été élu avec enthousiasme, à 71,2 % contre 26 % pour son adversaire. Joe Biden le dit : « La presse et les experts prédisaient une vague rouge géante : cela ne s’est pas produit ».
« La presse et les experts prédisaient une vague rouge géante : cela ne s’est pas produit. «
Joe Biden, président démocrate des Etats-Unis
Les Républicains ont remporté la majorité à la Chambre des Représentants, et les Démocrates au Sénat. Le président se dit « prêt à travailler avec l’opposition », afin de parvenir à travailler, et à faire passer ses projets. Le parti démocrate est soulagé : même si plus de cent quarante républicains élus ont repris des thèses complotistes véhiculées par Donald Trump, un solide électorat démocrate s’est mobilisé et a permis la constitution d’un camp puissant au Congrès.
Le Sénat reste aux mains des Démocrates
Au Sénat, une majorité n’a pas émergé. Les Démocrates comme les Républicains ont 49 sièges respectifs ; la Chambre Haute reste donc aux mains du parti au pouvoir, les Démocrates. Parmi les Etats scrutés de près, les Démocrates ont eu l’heureuse surprise de voir leur candidat, John Fetterman, élu en Pennsylvanie, ou encore Raphael Warnock en Géorgie (avec 51,4 % des suffrages, contre 48,6 % pour son adversaire Herschel Walker, soutien de Trump). Cependant, même si celui-ci n’a pas été élu, le pro-Trump J. D. Vance a été élu Sénateur de l’Ohio, comme d’autres partisans de l’ancien président. Malgré cela, c’est une bonne surprise pour les Démocrates, qui s’attendaient – comme tout le pays – à une « vague rouge ».
La Chambre des Représentants a changé de majorité

La Chambre des Représentants a, comme à tous les scrutins de mi-mandat, changé de majorité. En effet, le GOP (le parti républicain) a deux cent vingt-deux sièges, contre deux cent treize pour les Démocrates. Les cartes publiées dans la presse montrent souvent le territoire des Etats-Unis comme entièrement rouge, ou presque ; c’est extrêmement trompeur, quand on sait que les Républicains ne dépassent la majorité que de quatre sièges. C’est une affaire de population : dans l’Etat de l’Oregon par exemple, même si plus de la moitié de son territoire est écarlate, il n’y a en fait que deux représentants républicains élus, contre quatre démocrates, à l’Ouest de l’Etat. De même en Californie : apparaissant comme mi-bleu, mi-rouge, les Démocrates ont en fait remporté quarante sièges (Nancy Pelosi, ancienne speaker de la Chambre des Représentants, a été réélue, saluant les candidats démocrates qui « dépassent largement les attentes dans tout le pays »), contre douze pour les Républicains, parmi lesquels Kevin McCarthy.
« Il est temps de gouverner de manière responsable. »
Joe Biden
Le quinquagénaire a été élu à son tour speaker, dans la nuit du vendredi 6 au samedi 7 janvier (soit deux ans après la tentative de coup d’Etat du 6 janvier 2021), après quinze tours de scrutin, paralysés par la frange trumpiste du parti. Le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, a commenté : « Le chaos qui règne à la Chambre des représentants n’est qu’une autre illustration de la façon dont une frange extrême (…) les empêche de gouverner ». Le président Biden a pour sa part assuré qu’il était « prêt à travailler avec l’opposition », et ajoute que « les électeurs ont clairement signalé qu’ils attendaient des républicains qu’ils soient également prêts à travailler avec moi ». « Il est temps de gouverner de manière responsable », conclut-il.
Les élections des Gouverneurs confirment des divisions abyssales
Trente-six sièges de gouverneurs ont été renouvelés cette année, et les nouveaux élus sont autant de Républicains que de Démocrates : dix-huit de chaque. Cela confirme les divisions abyssales auxquelles fait face la Nation américaine en ce moment. En Floride, le Républicain « néotrumpiste » Ron DeSantis a été réélu aisément ; il est un potentiel candidat à l’élection présidentielle de 2024, et fait de l’ombre à la candidature de Donald Trump, annoncée le 15 novembre 2022 depuis sa résidence de Mar-a-Lago (Floride). L’ancien président, furieux des résultats des Midterms et de l’absence de la « vague rouge » tant espérée, est contesté dans son propre camp : son ancienne assistante Sarah Matthews a dit que « Cette élection prouve que Donald Trump ne devrait pas être le candidat Républicain en 2024. Il a fait perdre au parti des sièges gagnables en présentant des candidats médiocres ».
L’ancien président Donald Trump contesté dans son propre camp
Cependant, les gouverneurs comptent de plus en plus de femmes élues. Pour ne citer qu’elles : la candidate démocrate de l’Oregon, Tina Kotek, a été élue, malgré une adversaire républicaine soutenue par l’ancien PDG de Nike, et une troisième candidate « non-alignée » qui menaçait sa victoire. Sarah Huckabee Sanders, la candidate républicaine, est la première femme à être élue Gouverneure de l’Arkansas. De même, au Massachussetts, la démocrate Maura Healey reprend l’Etat aux Républicains et devient la première femme (et, de fait, la première lesbienne) a être élue à ce poste.
Zoom sur…
… la Géorgie
La Géorgie fait partie de ces Etats « bicolores ». En effet, même si les électeurs ont choisi au second tour le Démocrate Raphael Warnock comme Sénateur, neuf des quatorze Représentants sont Républicains. Marjorie Taylor Greene, « proche de Trump » complotiste et antisémite, a notamment été réélue, avec 65,9 % des voix. De même, le Républicain Brian Kemp est devenu Gouverneur en battant de peu la candidate Démocrate Stacey Abrams soutenue par Barack Obama, à 53,4 % des suffrages contre 45,9 %. Nul doute que la tâche de représenter cet Etat sera ardue.



Gouverneur, Géorgie
… l’Oregon
L’Oregon en revanche fait preuve de cohérence : la majorité de ses élus sont démocrates. Deux Républicains ont été élus Représentants, mais les quatre autres sont du parti présidentiel ; la Gouverneure Tina Kotek et le Sénateur Ron Wyden sont eux aussi Démocrates. Cependant, et c’est frappant pour cet Etat, les cartes sont plus rouges que bleues ; en effet, la densité de population est très inégale sur le territoire de l’Oregon. Pour éviter les amalgames, certains journaux, comme The Guardian, papier britannique, publient plutôt des cartes avec des figurés ponctuels, un code qui transmet mieux les majorités, sans passer par le prisme de la population des territoires.


… le Wisconsin

A l’inverse, le Wisconsin fait lui aussi preuve d’ambivalence. Le Sénateur élu (Ron Johnson, 50,5 %) et les Représentants (six des huit que compte l’Etat) sont Républicains ; mais le gouverneur, Tony Evers, démocrate, est élu à 51,2 % des suffrages. La situation au Wisconsin est la même que dans beaucoup d’autres Etats : il n’est pas rare que selon le poste, un même Etat passe d’un camp à l’autre. C’est là toute la complexité du système américain.
Une situation plus instable que jamais
Aujourd’hui, les Etats-Unis font face à un état de désunion extrême. Bien que le pouvoir en place cherche l’apaisement, les branches extrémistes au sein du parti républicain ne veulent qu’empêcher le président de gouverner, en semant la zizanie au Congrès et même dans leur propre parti. A la veille du début des campagnes présidentielles pour l’élection de 2024, la situation semble plus instable et incertaine que jamais.
Sophie Anglade, 2023