Gianni Infantino, président de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), a déclaré, à quelques jours de la fin de la Coupe :
« « Je remercie tous les travailleurs et bénévoles qui ont contribué à faire de cette Coupe du monde la meilleure de tous les temps. Nous avons eu 3,27 millions de spectateurs dans les stades et joué 62 matchs sans encombre, dans une super ambiance. »
Des paroles très optimistes et occultant totalement les aspects problématiques de ce Mondial de football.
Mais pourquoi la Coupe du Monde au Qatar fait-elle tant polémique ? En effet, nous avons beaucoup entendu tout le long de l’évènement les divers appels au boycott des ONG, des associations mais quelles en sont les raisons ? Pourquoi une réaction si vive envers un évènement qui rassemble et passionne tant de personnes ? Autant de questionnements qui nous poussent à mener l’enquête.
Il y a 12 ans déjà…
Comme vous le savez probablement, la Coupe du Monde de football s’est déroulée cette année au Qatar, émirat du Moyen-Orient situé sur une petite péninsule s’avançant sur le Golfe Persique et reliée à la péninsule arabique au sud, où elle a une frontière terrestre avec l’Arabie Saoudite.

Mais c’est le 2 décembre 2010, il y a 12 ans déjà, que le comité exécutif de la FIFA a décidé d’attribuer l’organisation de la Coupe du Monde de football au Qatar. La Coupe a eu lieu du 20 novembre au 18 décembre 2022, jour de la fête nationale du Qatar et une semaine avant Noël, avec une estimation du marché télévisuel potentiel à 3,2 milliards de téléspectateurs. La période inédite à laquelle a lieu le tournoi est liée au climat du Qatar et aux trop fortes chaleurs y régnant, particulièrement aux mois où se déroule habituellement la compétition, juin et juillet.
Cependant, depuis plusieurs années, tout au long de son organisation et de son déroulement, de nombreuses polémiques ont éclaté, pointant du doigt le Qatar sur deux aspects principaux : le non-respect de la convention internationale des droits des hommes et de l’écologie.
Les droits de l’homme ne sont pas respectés
En effet, c’est en 2021 que le journal The Guardian publie une enquête qui fait sensation.
Plus de 6500 travailleurs migrants d’Inde, du Pakistan, du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka sont décédés au Qatar depuis son obtention de la Coupe du monde foot en 2010, très probablement pour une bonne partie sur les chantiers de stades, aéroports, hôtels et routes en construction.
Le chiffre reste néanmoins à nuancer : il concerne tous les types de morts, pas seulement sur les chantiers et pas seulement des ouvriers. Le journal affirme que le chiffre est probablement « sous-évalué » : certains pays n’ont pas communiqué leurs chiffres. Le chiffre est donc discutable.
Cependant, Amnesty International a enquêté sur les causes de la mort de milliers de travailleurs migrants dissimulées par le Qatar. Selon le rapport d’Amnesty,ces décès sont dus à des conditions de travail dangereuses et extrêmes (blessures liées à des chutes de hauteur, insuffisance cardiaque ou respiratoire, suicides, accumulation de chaleur dans l’organisme…), sans aucune disposition mise en place pour protéger ces travailleurs.
Le strict minimum des soins médicaux (physique comme mentaux) ou simplement la sécurité sur le lieu de travail des ouvriers ne leur sont pas été accordés.
Toujours, selon Amnesty International, le Qatar aurait confisqué le passeport de certains ouvriers, afin de leur interdire de quitter le pays. Des milliers de travailleurs migrants ont maintenant été expulsés de la capitale du Qatar avant la Coupe du monde, pour faire place aux supporters qui vont venir assister à la compétition, d’après les dires de certains habitants et ouvriers.
Le gouvernement du Qatar assure être irréprochable par rapport aux conditions des ouvriers : il n’a cependant jamais nié les chiffres du journal britannique The Guardian. Selon le Qatar, le taux de mortalité de ces communautés de migrants se situe dans la normale « pour la taille de la population ». Et moins de 10% des décès concerneraient le secteur de la construction.
Depuis ces accusations, des voix se sont élevées contre le Qatar et l’organisation, appelant au boycott de la compétition. Du côté des équipes, aucune n’a boycotté mais l’Australie, l’Allemagne et le Danemark ont pris position contre le non-respect des droits de l’homme.
Une catastrophe écologique
En ce qui concerne l’aspect écologique, rappelons que le Qatar est l’un des principaux exportateurs de gaz au monde et détient le record mondial d’émissions de CO2 par habitants. Le 10 février 2022, le Qatar est le premier pays à atteindre son jour de dépassement, date à laquelle un pays est supposé avoir consommé l’ensemble des ressources que la planète est capable de produire en un an.
Climatiser à ciel ouvert
Une inquiétude est rapidement soulevée dès l’attribution de la Coupe, les températures qui avoisinent les 50° en plein été au Qatar, saison à laquelle se déroule en temps normal la Coupe du Monde. Le Mondial a été par conséquent décalé en hiver, une mesure jugée insuffisante car la température frôle environ 30°. De ce fait, il a été décidé de climatiser à ciel ouvert les stades. Climatiser un lieu à ciel ouvert implique une énorme consommation d’énergie, car l’air frais peut s’échapper à l’extérieur du stade.

Crédit : KARIM JAAFAR / AFP
L’organisation se défend en expliquant que les stades seront assez isolés pour ne pas laisser fuir l’air frais.
Contrairement aux autres pays candidats pour organiser la Coupe du Monde 2022, le Qatar ne disposait pas encore de toutes les installations nécessaires. La plupart des stades ont donc été construits pour la compétition. Ils seront partiellement ou entièrement démontés ensuite.
160 vols par jour pour assister aux matchs
En superficie, le Qatar est un petit pays, à peine plus grand que la Corse. Il n’est pas en capacité d’accueillir les 1,2 million de supporters attendus pour l’évènement. De ce fait de nombreux supporters séjournent dans des pays voisins et font des allers-retours au Qatar en avion, soit environ 160 vols par jours.
D’ailleurs selon un rapport de la FIFA, la Coupe du monde au Qatar devrait générer 3,63 millions de tonnes de CO2, ce qui équivaut à 18,8 milliards de trajets en voitures, 221 millions de smartphones mais ce chiffre reste sous-estimé d’après l’ONG Carbon Market. Les émissions liées à la construction des stades seraient potentiellement jusqu’à 8 fois plus importantes qu’annoncées.
Boycott sans effet
Malgré les divers appels au boycott des ONG et personnalités publiques ayant retentis dès lors que les polémiques, tant environnementales que relevant du respect des droits des hommes, s’accumulaient, ceux-ci sont restés sans effet. En effet, le premier match de la France a été suivi par 12,5 millions de personnes, et la finale a été suivie par 24 millions de téléspectateurs sur TF1, record historique d’audience
Le temps des inquiétudes et de la révolte pour tous était déjà bien loin aussitôt le match lancé.
Un triste constat pour la défense des droits de l’homme et de l’environnement.
Kenza YASSAA , Tle