Le 20 novembre 2022 a débuté la Coupe du Monde de football 2022. Elle s’est déroulée au Qatar, dans un stade climatisé construit spécialement pour l’occasion.
Selon un chiffre publié par The Guardian le 23 février 2021, 6500 travailleurs migrants auraient trouvé la mort lors de la construction des stades de ce type, au Qatar. Ce bilan très alarmant nous pousse à nous interroger sur les conditions de travail des ouvriers dans ce pays de la péninsule arabique.
« Tous mes proches comptent sur moi. Je suis désespéré. Quand tu travailles dur comme ça, pour un salaire faible, pour moi, c’est de l’esclavage. »
Peter, ouvrier dans un stade au Qatar (Franceinfo)
Au Qatar, seuls 20 % de la population détient la citoyenneté qatarie tandis que les autres 80 % sont essentiellement constitués d’étrangers immigrés. Ces derniers représentent 90 % de la main-d’œuvre totale du pays et ils travaillent souvent sur des chantiers de construction. Ils y sont exposés à la chaleur et à l’humidité, ce qui est à l’origine d’un grand nombre de décès. Selon le journal britannique The Guardian, 6500 travailleurs auraient trouvé la mort sur les chantiers de construction des stades entre 2010 et 2020 ; le Qatar en reconnaît 37. Le nombre précisde morts n’est pas connu, mais on peut être sûr qu’il s’élève à plus de 37 : rappelons cependant que les chiffres de 2019 parlent de 733 ouvriers morts en un an en France.
Une étude de la revue Cardiology montre la corrélation entre la chaleur et la mort des travailleurs népalais au Qatar entre 2009-2017 alors que les autorités qatariennes mettent ces décès sur le compte de vagues problèmes cardiaques ou leur attribuent des « causes naturelles ». Selon la même revue, au moins 200 des 571 décès cardiovasculaires (crises cardiaques) auraient pu être évités si des mesures plus importantes avaient été prises pour protéger les travailleurs. Or les seules mesures prises concernant l’exposition des ouvriers aux grandes chaleurs consistent à interdire le travail à l’extérieur pendant certaines heures entre le 15 juin et le 30 août et elles autorisent, depuis mai 2021, les ouvriers à arrêter de travailler et à porter plainte en cas de stress thermique. Bien qu’elles améliorent un peu la condition de ces derniers, ces mesures restent très insuffisantes. En effet, si elles permettent aux ouvriers de travailler « à leur rythme » quand il fait chaud, c’est sans compter la pression exercée par leurs employeurs et le jeu de pouvoir qui se met en place. De nombreux travailleurs ne sont pas payés en totalité et certains doivent attendre des mois avant de toucher leur salaire. La plupart arrivent endettés au Qatar car ils ont payés des frais de déplacement élevés pour quitter leur pays, et ils se retrouvent piégés dans une boucle infernale dont ils n’ont pas les moyens de s’extraire.
Les familles des ouvriers morts se retrouvent aussi dans une position très difficile : elles ne peuvent pas toucher d’indemnités et sont tenues de rembourser les dettes que leur proche décédé devait encore au Qatar pour leur immigration. Certaines vendent alors leurs biens pour y parvenir, mais elles s’endettent d’autant plus.
Ces évènements ont soulevé une polémique qui a pris beaucoup d’ampleur dans les pays concernés par la Coupe du Monde. Pourtant, le seul signe de protestation de la France a été ne pas mettre d’écrans géants ou de fans zones à Paris. Cela n’a pas empêché la finale de la Coupe du monde 2022 d’être un record d’audience absolu pour TF1 ni le président français, Emmanuel Macron, de se déplacer pour y assister. Finalement, la polémique a plutôt agi comme une publicité.
Alice Nicolas-Nassar