Liberty Valance par Louise

L’homme qui tua Liberty Valance

par Louise Pérez-Fontayne

En sortant de la salle de cinéma, j’étais un peu indécise car mon propre avis sur le film était mitigé. D’un côté, je ne suis pas une grande fan’ des Westerns américains  (ce n’est pas vraiment mon univers) ; de plus, il manquait un tout petit peu d’action à mon goût. Il n’y avait pas les grandes chevauchées des cow-boys au milieu des plaines arides, pas les petites villes où l’on entend voler et siffler les balles à l’intérieur des saloons.

Mais le fait qu’il n’y ait pas toute la vigueur des films de ce genre permet ainsi d’introduire d’autres éléments et une atmosphère nouvelle. La nouveauté est, entre autre, le développement de la psychologie des personnages, personnages qui évoluent tout au long du film, et dont on voit apparaître la face cachée qui n’est pas forcément visible au première abord.

Même si ce film n’appartient pas à mes genres préféré, je le trouve néanmoins très beau, également dans sa dimension esthétique, par le choix du Noir et Blanc, qui donne une autre intonation et qui permet de créer des images et des plans d’une grande beauté dans l’organisation du cadre.

Je me suis rendu compte au fur et à mesure de l’analyse de l’œuvre que c’est un film bien plus profond et travaillé que l’on pourrait le croire. Des petits détails, des petits éléments sont dissimulés dans les plans du film. Par exemple dans un plan de la séquence de l’école, où l’on voit Pompey se tenir debout au milieu de la classe, on observe dans l’arrière-plan un portrait d’Abraham Lincoln. On réalise alors que Pompey est le seul homme noir de la ville, qu’il doit sans doute avoir des ancêtres qui étaient esclaves. Dans cette même séquence, on voit Ramson, qui joue les professeurs, debout avec juste derrière lui un portrait de Georges Washington, association elle aussi symbolique de l’homme de droit qui respecte les lois et l’honneur de son pays, avec le fondateur de la démocratie américaine. Mais ce n’est pas tout : on peut observer sur le côté, l’ombre de l’avocat contre le mur, en relation avec le drapeau américain.

Pour ce qui est de Tom Doniphon, il n’est pas le cow-boy classique du Far West. Il est plus sensible, et mis en scène différemment. D’un côté il y a cette figure protectrice que l’on peut observer dans la séquence où il ramène en ville Stoddard après l’avoir sauvé : il est assis au côté du corps meurtri de Ramson. Le chapeau posé sur sa tête donne, par une habile jeu de lumière, cette dimension protectrice car l’ombre du chapeau est comme posée délicatement sur sa tête de Ramson. Il est également la figure du sacrifice lors de la scène finale où c’est en réalité Tom qui tue Liberty Valance à la place de l’avocat mettant ainsi son honneur de côté.

L’effacement du héros de l’Ouest ce fait également dans la mise en scène. La première représentation de Tom dans la chronologie du film est lorsqu’il est là, immobile, mort, dans son cercueil que l’on voit dans l’encadrement d’une porte. Cela casse toutes les règles de l’arrivée grandiose de l’homme de l’ouest. Il y a aussi la seule et unique scène où l’on voit Doniphon à cheval. Elle aussi ne respecte absolument pas le code de l’héroïsme du cow-boy monté sur son grand cheval, cavalant puissamment. Là non, Tom est assis tranquillement sur sa monture, dans l’ombre de la nuit qui le masque de son voile noir et le fait presque disparaître.

A travers le personnage de Tom Doniphon, nous faisons le deuil de la conquête de l’Ouest. L’homme qui tua Liberty Valance est au final un film très réfléchi qui se donne à la réflexion. On se rend compte de tous les sens cachés et la mise en scène complexe. Parfois il faut approfondir l’analyse d’une œuvre pour pouvoir l’apprécier.