Avec tes mains

avec tes mains

Avec tes mains est l’histoire d’Ahmed Kalouaz qui essaie de reconstituer ce qui est arrivé à son père, pendant son enfance et sa jeunesse. Il écrit ce livre après sa mort. C’est un récit magnifique parce que Ahmed Kalouaz crée une sorte de dialogue entre lui et son père qu’il n’a pas eu avec lui. Il parle de son père avec une telle tendresse ! Ce qui rend le livre encore plus beau, c’est le fait qu’il trouve des excuses à son père sur « son manque d’amour », il essaie de comprendre. A travers ce sublime portrait de Abd el-Kader, on retrouve un pan douloureux de l’histoire coloniale de l’Algérie.

Le titre « Avec tes mains » renvoie au fait que son père n’est jamais allé à l’école, il ne sait pas lire, et c’est donc seulement avec ses mains qu’il a permis à son fils de vivre et de devenir libre.

Fragments

« J’aurais voulu que tu me montres, un jour de connivence, une photo longtemps dissimulée, en me disant que là, quelques jours dans ta vie, tu ne fus ni miséreux, ni soldat, ni travailleur de force, mais simplement un homme avec de la douceur au bout des doigts. »

« Parler de toi, mon père, c’est remonter un fleuve en pirogue.»

« Par le fruit de tes mains nous avons mangé, cheminé vers l’instruction. »

« Tu regardais les rares livres qui traînaient chez nous, en évitant de les toucher, sans savoir ce qu’ils contenaient, ce qu’ils pouvaient contenir d’émotions et de troubles. C’est triste une main d’homme qui n’a jamais tenu un livre entre les mains. »

« Avec la religion brandie comme unique étendard, ces pasteurs anachroniques envahissent les cités essayant de rassembler derrière leurs formules simplistes de plus en plus de fidèles… Quand insouciants, sur les pelouses de la cité nous dansions sur le son des guitares électriques, personne n’imaginait qu’un jour nous en arriverions là. A coups de sentences, ces prédicateurs balaient nos certitudes, piétinent nos acquis. Pour eux nulle liberté de penser, nous n’avons pas lu le même livre. »

« Même si ce sont aujourd’hui les miens, tous ces gestes t’appartiennent. Ce que tu n’as pas su dire en paroles s’est imprimé dans mes yeux, et je reproduis ces gestes à mon tour. Ce sont comme des mots qui reviennent, ce langage des mains, celui que tu as pratiqué jusqu’à l’épuisement. »

« Vous n’avez même pas le courage de sortir de vos poches les rares photos de vos femmes, de vos enfants, de vos mères. En pensant à eux, vous vous rendez à la poste la plus proche pour envoyer un mandat, un peu d’argent qui ne remplace pas la tendresse, ne dit rien de ce qu’il vous coûte d’humiliation, de fatigue. L’argent s’en va, c’est l’essentiel. De l’autre côté, ces quelques billets représentent une manne, de quoi nourrir une famille pendant une quinzaine de jours ou un mois. 

Nuage de mots

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Cher Ahmed Kalouaz,

Je vous écris ces quelques mots afin de vous faire part de mon ressenti ainsi que toute l’émotion que j’ai éprouvée en lisant votre livre Avec tes mains.

Vous écrivez avec une tendresse qui a su me toucher, et je pense a su toucher beaucoup d’autres lecteurs. Vous parlez de votre père comme si vous l’aviez connu lorsqu’il était petit, comme si que vous aviez vécu tout ça avec lui. A travers ce portrait de votre père vous avez su avec intelligence et une grande lucidité décrire les événements de la grande Histoire comme la guerre, l’immigration, l’indépendance de l’Algérie ou encore la vie dans les cités.

Je trouve que votre récit à une grande puissance, on ressent que le récit est raconté avec la plus grande honnêteté. Les première lignes sont vraiment touchantes : « Parler de toi mon père, c’est comme remonter un fleuve en pirogue. A l’heure de ces premières lignes lancées sur le papier, je cherche le lieu où tu pouvais être en 1932. Ce sera le début. Il en faut un, puisque ces pages à venir, maintes fois repoussées, timidement viennent à moi ».

Vous êtes remarquable car en lisant votre récit on se sent à votre place, je dirais presque qu’on se met complètement à votre place.

Camélia Teffert 2nde2