6ème film du PJR : La douleur

La Douleur, le chef d’œuvre d’Emmanuel Finkiel

Anaïs P.

La douleur est un film dramatique inspiré du livre et d’une partie de la vie de Marguerite Duras. Ce film est réalisé par Emmanuel Finkiel. Il a pour acteurs principaux Mélanie Thierry (Marguerite), Benoît Magimel (Rabier) et Benjamin Biolay (Dyonis).

Marguerite Anthelme est écrivaine et résistante lors de l’Occupation allemande à Paris. Sa vie bascule lorsqu’elle apprend que son mari a été arrêté puis déporté. Marguerite est alors tiraillée par l’angoisse de ne pas avoir des nouvelles de son mari Robert Anthelme et sa liaison secrète avec Dyonis, un camarade de Robert. Elle rencontre un agent français de la Gestapo, Rabier, et, prête à tout pour retrouver son mari, elle s’engage dans une relation ambiguë avec Rabier qui est le seul à pouvoir l’aider. La fin de la guerre et le retour des camps annoncent alors à Marguerite le début d’une insoutenable attente, une agonie lente et silencieuse au milieu de la Libération de Paris.

L’évolution du personnage principal est très intéressante. Au début, Marguerite est perturbée par l’absence de son mari. Elle le cherche, trouve des indices puis commence petit à petit à sombrer dans la douleur et l’enfermement.Tout d’abord, elle rencontre Rabier. Sa relation avec lui commence à être aussi bien déterminante que dangereuse, mais malgré le danger Marguerite veut retrouver son mari coûte que coûte. Elle voit le membre de la Gestapo tous les jours : il la surveille, il se sert d’elle et elle se sert de lui. Malgré tout, Marguerite parvient à avoir des informations sur la localisation de son mari. Ensuite lorsque Marguerite voit Robert être emmené dans un camion de déportés, sa douleur et sa  »folie » commencent à prendre plus de place à l’écran. Elle imagine Robert revenir à la maison, elle tombe malade, Robert devient vite une obsession pour elle. Enfin, quand Marguerite apprend que Robert est sauvé et qu’il est sur le point de revenir dans sa vie, elle s’effondre sous l’angoisse de devoir lui réapprendre à vivre, d’affronter la faiblesse et le changement de son mari, pour lequel elle n’a plus aucun sentiment amoureux.

Au fur et à mesure que le film avance, le personnage de Marguerite se développe, et grâce au formidable jeu d’actrice de Mélanie Thierry, la douleur et le manque que ressent le personnage principal sont incroyablement bien retranscrits à l’écran.

Ce film est vraiment excellent ! L’histoire, les acteurs, les décors comme les musiques sont splendides. Le cadre de l’histoire est très réaliste et nous plonge vraiment dans le film. Tous les personnages de ce film ont des histoires différentes et touchantes qui m’ont émue aux larmes – je pense par exemple au personnage de Mme Katz.

En conclusion, ce film est un chef d’œuvre !

Le billet d’Inès,

Ecrit à la sortie du film, le 29 mars 2018

La Douleur est une adaptation du roman de Marguerite Duras, écrivaine et figure majeure de la Résistance. On y découvre, durant l’occupation allemande l’histoire de l’épouse d’un résistant, Robert Anthelme, arrêté puis déporté dans un camp de concentration. Tout le long du film, on découvre également la vie de celles qui attendent, inquiètes mais surtout pleines d’espoir, des retours de la guerre.

Emmanuel Finkiel arrive parfaitement à transmettre les émotions des personnages, en particulier celles de Marguerite, à travers les plans filmés par derrière mais surtout à travers sa voix off. Nous pouvons y sentir quelquefois l’apaisement, l’inquiétude ou encore la souffrance de Marguerite. De plus, les plans sont souvent flous ou très sombres, donc la voix de la protagoniste entre vraiment dans les esprits et nous emporte vers son histoire, dès les premières secondes, jusqu’aux dernières.

J’ai beaucoup aimé la manière de raconter l’histoire, ou encore la manière de faire comprendre comment l’espoir et la souffrance cohabitent dans le même corps. On voit Marguerite de plus en plus stressée, manger de moins en moins, fumer de plus en plus. On la voit plus globalement aller de plus en plus mal et arriver au moment de la Libération, Robert toujours absent. Je trouve que l’omniprésence de l’absence de Robert a été vraiment très appuyée, à en devenir oppressante. Durant le film, nous n’avons pas pu voir entièrement et correctement son visage une seule fois, il y a donc en plus l’absence du visage de Robert. L’histoire entre Robert et Marguerite est une relation assez spéciale. Malgré la présence d’un amant avant la guerre, l’héroïne garde un lien intellectuel et politique extrêmement fort avec Robert au point de consacrer sa vie à l’inquiétude qu’elle lui porte. Cette relation avec Dyonis, un ami de Robert, reste dans les limites du respect que chacun d’eux porte à Robert. Marguerite s’est également mise en danger ainsi que le groupe de résistants dont elle fait partie lorsqu’elle se rapproche de l’agent de la Gestapo, Rabier. Le lien formé entre elle et Robert est d’autant plus souligné qu’elle ne se contente pas d’attendre désespérément comme les autres femmes vues dans le film mais elle essaie de mettre en œuvre des choses afin de se renseigner ou d’aider Robert. On peut remarquer l’utilisation très forte du flou comme une coupure nette et précise entre la clarté et le flou, entre le personnage et le reste du monde.

La Douleur d’Emmanuel Finkiel, vue par Thalia

Marguerite est une femme qui vit, après la déportation de son mari, Robert, dans une constante attente et dans une perpétuelle recherche de cet homme qu’elle n’aime pourtant plus.

Le lien qui unit Marguerite et Robert est un lien difficile à comprendre. Les deux personnes ne s’aiment plus. Cependant, Marguerite est plongée, à partir de l’arrestation de Robert par la Gestapo et ce jusqu’à son retour, presqu’un an plus plus tard, dans une sorte d’hyperactivité qui la pousse à tout faire pour le retrouver, quitte à même se mettre en danger ainsi que d’autres personnes de son réseau de Résistance. Elle semble se dévouer entièrement pour sauver cet homme au péril de sa vie. Ainsi quand Robert est de retour, elle le soigne mais elle sait qu’elle va le quitter.

Marguerite est bien un personnage complexe. La voix off qui reprend le texte écrit par l’écrivaine Marguerite Duras nous fait bien ressentir toutes les émotions qui la submergent. Ce moment de son existence entièrement dévoué à Robert est scruté avec beaucoup de précision. Et le spectateur se demande pourquoi ce dévouement absolu. Est-ce de la culpabilité ? Ou le respect immense qu’elle porte à son mari, Robert Antelme, malgré la fin de leur histoire d’amour ?

Marguerite entretient en effet un lien particulier avec Dionys. Dionys est son amant, c’est pour lui qu’elle s’est détaché de Robert. Pourtant tout au long du film leur relation reste discrète. Lui semble la protéger, il prend soin d’elle, il s’inquiète pour elle mais Marguerite le rejette plusieurs fois ou le met à distance. Ils se tutoient et se vouvoient en même temps, ce qui, comme pour Robert, montre la complexité du lien qui les unit. Entre Marguerite et Rabier aussi la relation est ambiguë. Au début, Marguerite va rencontrer cet homme, agent de la Gestapo, dans le seul but d’obtenir des informations sur Robert. Mais au fur et à mesure des visites, un lien semble se créer entre eux, plus trouble et inquiétant. Rabier et Marguerite vont même s’embrasser malgré la divergence totale de leur engagement politique.

Les relations complexes que Marguerite entretient avec ces hommes, prouvent « l’excentricité », la singularité de ce personnage qui s’analyse elle-même en « temps réel ». La mise en scène met l’accent sur ce retour sur soi : tout au long du film, on retrouve beaucoup de scènes dans lesquelles Marguerite apparaît deux fois sur le même plan, elle se dédouble et fait deux actions simultanément ; le plus souvent, une Marguerite reste figée, comme paralysée, tandis que l’autre accomplit l’action qu’elle redoute ou qu’elle attend. On retrouve également dans le film beaucoup de scènes filmées au travers des vitres, face à un miroir ou encore des scènes où les visages sont légèrement floutés. Ces choix cinématographiques, en plaçant le spectateur dans la peau (Mélanie Thierry, remarquable, est filmée de très près sans maquillage), la chair, la psyché de Marguerite nous montre une femme perdue, indécise, changeante, même si la quête est le seul but de sa vie. Marguerite semble être à la fois très sûre d’elle, comme par exemple lorsqu’elle prend la décision de voir Rabier mais aussi anxieuse et terrifiée comme lorsqu’elle dit en voix off qu’elle va mourir dès que Robert rentrera ou encore lorsque Robert revient et que l’on voit « deux Marguerite » une très stoïque et l’autre à la limite de la folie.

Malgré son caractère complexe et parfois incompréhensible, Marguerite est un personnage attachant qu’on a envie d’aider et de soutenir durant sa recherche effrénée de Robert. Le film nous place tellement proche d’elle que l’on ne peut que ressentir un fort sentiment de pitié et de compassion pour cette femme qui frôle la schizophrénie dans cette attente dépourvue d’indices temporels, ce qui la rend d’autant plus longue.

 

La Douleur

par Ulysse

La douleur est un drame historique réalisé par A.Finkiel, c’est une adaptation du livre éponyme de Marguerite Duras qui est aussi l’héroïne du film.

Pour moi, la problématique de ce film est celle de l’attente. En effet, le film se concentre pour grande partie sur l’attente et la recherche de Marguerite de son mari Robert Anthelme. De part différent procédés (le dédoublement de Marguerite par exemple), Finkiel nous tient en haleine et nous permet de ressentir ce qui se joue dans la tête et le corps de Marguerite en filmant l’ennui et l’angoisse provoqués par l’attente.

Ainsi, tout comme Marguerite, le spectateur attend. Il sait cependant que Robert reviendra… Je pense que Marguerite ressent la même chose, elle sait que Robert est en vie, du moins, elle veut le croire.

Cependant, lorsqu’à la fin du film, le mari revient enfin, Marguerite ne veut pas le voir, ce qui est compréhensible : cela fait plusieurs mois qu’elle ne l’a pas vu et elle en a ressenti une douleur immense ; à force de vivre avec cette douleur, elle l’assimile ; on a l’impression que c’est sa douleur qui la maintient en vie. Ainsi, comme dans une bulle, elle s’y enferme et ne veut pas que l’arrivée de l’impossible détruise cette bulle. Nous ressentons, nous spectateur, le même sentiment : la vision de ce film est douloureuse. Il nous enferme dans la bulle de douleur de Marguerite que l’arrivée de Robert vient exploser. Ceci est souligné par la phrase de Dyonis : « A quoi êtes vous le plus attaché, à Robert ou à votre douleur ? ».

A la sortie du film, j’ai d’abord été silencieux, réfléchissant sur le trajet du retour au sens du film. J’en ai ensuite fait un parallèle avec ma vie : ce film ouvre la porte de notre inconscient ; il révèle les pulsions secrètes et les sentiments cachés que la société nous impose de contenir (notre rapport aux autres, la violence souterraine…) . Je ne sais pas si ce ressenti est personnel ? Il est cependant pour moi bien réel.

En conclusion, ce film est une réussite de construction, de scénarisation et d’interprétation. Il donne un résultat très ambitieux en plongeant le spectateur au cœur de l’attente et de LA douleur, ce qui fait de lui chef d’œuvre !

La douleur d’une femme meurtrie

Par Cécilia

Le film se déroule à Paris à la fin de la seconde guerre mondiale. Marguerite Duras (interprétée par Mélanie Thierry) recherche par tous les moyens à retrouver son mari, Robert Anthelme (Emmanuel Bourdieu), déporté en raison de son appartenance à un réseau de Résistance. Est-il vivant ? Est-il mort ? Doit-elle avancer ? Doit-elle lutter ? Doit-elle se laisser sombrer ?

Des sentiments puissants

Marguerite essaie de trouver Robert coûte que coûte. Alors qu’on pourrait croire au début du film que c’est par amour, on se rend compte au fur et à mesure que l’amour n’est plus dans leur relation. En effet, Marguerite entretient depuis quelques années une relation avec Dionys (Benjamin Biolay), le meilleur ami de son mari. Elle a pourtant un énorme respect pour Robert, car celui-ci était un membre important d’un réseau de résistants, le même que celui de François Morland (de son vrai nom François Mitterrand, futur président de la république Française). En effet, le plus grand lien qui unit Marguerite et son mari est politique (Ce sont tous les deux des résistants). Robert Anthelme est donc présent tout au long du film en tant que figure et en tant que politique, mais pas en tant qu’être sensible ou en tant que simple personne. En effet, celui-ci est toujours représenté à l’écran de manière floue lors des rêves de Marguerite, dans des plans très lumineux, très clairs voire éblouissants. Si Robert n’est pas flou à l’écran, alors il est soit perdu au milieu de personnes semblables (comme par exemple dans la scène où il se fait déporter de la prison au camp ou dans le plan où l’on voit toutes les photos de résistants capturés), soit représenté en très gros plan (comme par exemple sur la plage lorsqu’il regarde au loin, comme pour voir le monde à travers son œil) ou soit par une simple silhouette, comme dans le tout dernier plan, lorsqu’il est sur la plage, squelettique, face à la mer.

Sauver Robert au péril de sa vie

Au début du film, Marguerite est très attachée à Robert malgré son ancienne liaison avec Dionys. Elle lui envoie régulièrement des colis lorsqu’il est encore à la prison, et va même jusqu’à fréquenter le policier responsable de l’arrestation de son mari : Ravier (Benoît Magimel). Elle essaie de le manipuler et de se servir de lui, et Ravier fait de même. Elle cherche ainsi à récolter des informations sur son mari, et le policier cherche lui à démanteler le réseau dont fait partie Marguerite et à capturer Morland. Cette dangereuse relation donnera lieu à des plans spectaculaires, comme par exemple celui où elle attend sur le pont, devant l’ambassade allemande. On voit en effet Marguerite au premier plan contemplant l’horizon, avec un bâtiment gigantesque juste derrière elle, une croix gammée surplombant la façade.Cette image est symbolique de la pression qu’exerçaient les nazis sur le peuple. Mais encore un plan vu de très haut, de Marguerite passant seule, à vélo sur la place de la concorde. Cette image est frappante car cet endroit, un lieu mythique de Paris, est d’habitude bondé, plein de vie.

La modélisation de l’angoisse

Dans l’incompréhension la plus totale, Marguerite erre entre rêves et réalité, entre flou et clarté. Le spectateur occupe une place spécifique dans cette œuvre. En effet, celui-ci se situe dans la tête de Marguerite, suivant tous ses déplacements et ne la quittant jamais, la voix off représentant sa pensée.

Il arrive à Marguerite de voir Robert et d’imaginer qu’il revient, où encore de voir son bébé mort (ce plan en particulier est très flou, très lumineux, mais on peut clairement voir l’enfant, tout bleu). Marguerite se perd, comme par exemple dans la séquence où elle dit « je marche. Je me perd. Je dévie sur la chaussée, puis je marche » etc. J’ai trouvé cette séquence très longue et pesante, mais je pense que c’est l’effet recherché par le réalisateur. Ce plan sert à faire ressentir au public le poids de l’attente qui pèse sur les épaules de Marguerite. C’est ce poids qui rend la jeune femme malade.

Cette angoisse est également représentée par une addiction à laquelle Marguerite est sujette : la cigarette. En effet, énormément de personnes malades mentalement ou tout simplement très stressées sont victimes d’addictions, majoritairement au tabac. Marguerite fume tout le temps, a longueur de journée, ce qui offre des plans magnifiques comme par exemple lorsqu’elle fume chez elle, son visage éclairé par la lumière du jour, la fumée dansant autour d’elle. Je pense que la cigarette est un moyen de modéliser sa douleur, son angoisse, son mal-être et sa culpabilité, de représenter ses états-d’âmes à l’écran, comme un symbole.

Le bonheur lui échappe

Je pense, de mon point de vue, que Marguerite refuse le bonheur, qu’elle est rongée par le remord et par la culpabilité. Elle refuse par exemple de célébrer la libération tant que son mari n’est pas revenu, comme dans la scène où les gens se retrouvent dans la rue pour danser au son des accordéons et où elle déambule dans la ville comme une âme en peine, l’air absente, le regard vide. Dans ce plan, le réalisateur nous montre la fête sous un aspect péjoratif. Ce que je trouve remarquable est le fait que malgré les lumières colorées qui jouent sur le visage de Marguerite et les rires des gens qui se font entendre derrière, le réalisateur et Mélanie Thierry (qui est une excellente actrice) arrivent à rendre ce bonheur écœurant, à rendre les rires faux.

Cependant je pense, même si mon jugement est peut-être dur, qu’au fond d’elle Marguerite n’a plus envie que son mari revienne de Dachau. Et je pense que c’est ça qui dans le fond la rend vraiment malade sur la fin : le dégoût d’elle même, de ne plus aimer son mari comme avant. Elle aime Dionys mais elle s’y refuse. En effet, on peut voir qu’elle le repousse au début, qu’elle en vient même à le vouvoyer parfois, ce qui est déstabilisant, mais elle finit toujours par l’aimer et par revenir vers lui. Cette hypothèse confirmerait pourquoi elle cherche absolument à rejeter systématiquement la faute sur lui, à lui crier dessus et à presque le harceler en lui disant qu’il lui ment, qu’il sait où est Robert mais qu’il ne veut pas lui dire. Je pense qu’elle a besoin de déverser sa rage sur Dionys, et je pense qu’elle lui en veut réellement, mais pas à cause de Robert, mais plutôt parce que Dionys lui a volé son cœur, parce qu’elle est censée aimer son mari mais que le seul qu’elle désire réellement, le seul pour qui elle brûle de passion, c’est lui…