Antioche / écrits critiques des 2nde5


Antioche : une pièce de théâtre québécoise entre Orient et Occident

La pièce Antioche se joue actuellement au Grand Théâtre d’Albi. Écrite par Sarah Berthiaume et mise en scène par Martin Faucher, la pièce dénonce à travers un théâtre moderne, la dure réalité de nos actuelles sociétés de consommation.Antioche, pièce ou carrefour d’Orient?Jade est une jeune adolescente en «crisse», en colère contre le monde qui l’entoure. Inès, sa mère est une réfugiée qui a réussi à reconstruire une vie dans un nouveau pays. Elle est aujourd’hui secrétaire mais, comme sa fille, elle n’est pas heureuse dans sa vie.Jade fait des listes de ce qui la met en « crisse », Inès fait des listes de choses banales du quotidien. Elles sont toutes les deux prisonnières de leurs vies.C’est là qu’intervient Antigone, morte il y a 2500 ans dans une tragédie grecque, mais qui est la meilleure amie de Jade. Elle se bat pour que la tragédie qui porte son nom soit jouée par la troupe de théâtre de son lycée. Elle symbolise la révolte.Jade parle à un homme sur internet, il vit en Orient (Syrie) et incite Jade à venir le rejoindre.Jade et Inès vont se retrouver dans tous les sens du terme lors d’une rencontre merveilleuse à Antioche, une ville d’Orient souvent carrefour pour les réfugiés fuyant un pays ou pour les djihadistes venus d’Occident.Antioche, la pièce de Sarah BerthiaumeLa pièce de Sarah Berthiaume est intéressante. Elle présente un sujet moderne en lien avec les sociétés de surconsommation et le djihadisme, mais toujours en lien avec la célèbre tragédie grecque de Sophocle. Nous pouvons tous nous identifier aux personnages de cette pièce, que nous soyons adolescents (et ainsi comprendre Jade qui ne supporte pas le poids, la pression qu’on lui met pour choisir un avenir difficile et incertain), ou adultes (et comprendre la détresse d’Inès, enfermée dans sa vie banale:«métro, boulot, dodo»). La pièce est donc ouverte à tout public à partir de quatorze ans. Sarah Berthiaume a bien réussi à concilier tragédie classique et sujets modernes. Elle casse les codes du théâtre avec plusieurs ruptures du quatrième mur qui intègre le public à la pièce.Nous apprécions donc lorsque Antigone se met à chanter devant le public de la pièce comme si nous étions les étudiants du lycée pour lesquels elle chante au bal de fin d’année.La pièce traite de sujets modernes mais Sarah Berthiaume a glissé de nombreux petits détails qui nous rappellent bien la tragédie d’Antigone. Par exemple, lorsque les personnages s’adressent au public, cela fait subtilement référence au chœur dans la réécriture de Jean Anouilh.

C’est particulièrement bien lorsque nous avons déjà lu ou étudié ces pièces d’avoir les répliques sur le bout de la langue lorsque les actrices les prononcent. Pour ce qui est de la fin, c’est une fin ouverte qui clôture assez bien une pièce courte de deux actes. Cette fin laisse un peu à désirer car nous n’avons aucune réponse à nos questions et finalement pas de solution à l’intrigue. Elle est tout de même attendue car, malgré un dialogue final dynamique entre mère et fille, l’intrigue manque d’action et de suspense et les répliques deviennent alors un peu lourdes, répétitives et ennuyantes.

Antioche, la mise en scène et le jeu

En rentrant dans la salle, nous ne voyons pas vraiment de décor si ce n’est qu’un grand écran d’ordinateur ; cela paraît décevant. Heureusement la pièce va nous faire rapidement comprendre toute la symbolique de ce décor. Le décor sombre, épuré, représente les deux espaces dans lesquels vivent symétriquement sans s’en apercevoir Jade et sa mère.Si ce décor paraît banal, Pierre Laniel apporte une superbe touche de technologie à la pièce en faisant communiquer les écrans présents dans le décor avec la pièce. Cela correspond complètement avec le personnage d’adolescente qu’est Jade mais aussi avec le sujet de la surconsommation. Le décor est certes pauvre mais c’est en fait la lumière et le jeu des acteurs qui font la pièce. Les éclairages sont brillamment conçus par Alexandre Pilon-Guay qui nous fait vivre la pièce aussi à travers les lumières. C’est vraiment superbe lorsque l’éclairage se fixe exactement comme dans les films américains sur Antigone lorsqu’elle chante pour le bal de promo. Denis Lavoie n’a pas eu à se creuser la tête pour les costumes car ils sont très basiques: tenues occidentales pour Jade et sa mère, et traditionnelle pour Antigone.

En revanche, Mounia Zahzam (Jade) et Sarah Laurendeau (Antigone) sont deux actrices brillantes qui incarnent parfaitement leurs personnages. Il faut souligner les talents de Sarah Laurendeau pour la guitare et le chant. Ces deux actrices sont très dynamiques et réussissent à nous faire rire à de nombreuses reprises. Ariane Castellanos dans le rôle d’Inès n’est pas une mauvaise actrice mais elle manque de conviction et de vie. Certes, elle n’a pas le personnage le plus important, ni le plus dynamique mais Inès manque d’interprétation et ce personnage là aurait pu être mieux joué.Pour finir, l’accent québécois nous fait sourire dans cette pièce mais il peut aussi être une source de quelques incompréhensions, mais nous ne pouvons pas reprocher cela aux actrices.

Laura Pendaries (2de 5)

Antioche : Trois femmes emmurées vivantes

On se doit de remercier Martin Faucher et Sarah Berthiaume qui lors de la semaine du 4 au 8 Novembre à Albi, apportent un souffle d’air frais tout droit venu du Québec pour aborder une sujet complexe. Le travail de la dramaturge, Sarah Berthiaume. Une pièce sincère, pleine de remises en question, de doutes, parlant d’un sujet aussi bien actuel qu’ancien, dans lequel se retrouvent : Inès, sa fille Jade et Antigone, figure de révolte il y a 2500 ans dans la tragédie de Sophocle. Ces trois femmes sont à la fois très loin les unes des autres et très proches. Dans l’acte II, les chemins d’Inès et Jade se croisent, elles ont toutes les deux seize ans, l’une fuit la guerre, le Moyen-Orient et va chercher une meilleure vie en Occident. L’autre part de l’Occident vers le Moyen-Orient pour donner un sens à sa vie. Malgré ces discours profonds faits pour toucher l’intégralité du public, Sarah Berthiaume parvient grossièrement à faire rire les spectateurs avec les interruptions ponctuelles de la folie d’Antigone qui rend justement la pièce plus légère. La fin de la pièce ne donne pas au public de solution, la pièce nous laisse rentrer chez nous avec des questions non résolues. Choix judicieux de la part de Sarah Berthiaume car le sujet abordé n’a pas de solution, chaque spectateur qui se sera posé ces questions, trouvera sa propre réponse, c’est ce qui est beau. En clair, la pièce soulève de manière brutale et intelligente les défauts de la société actuelle. Un grand bravo à Sarah Berthiaume. Le travail du metteur en scène, Martin Faucher.Dès l’entrée d’Antigone, le spectateur perçoit son costume moderne à tendance rebelle avec son jean troué et sont haut à l’effigie d’un groupe de musique rock, tout cela partiellement recouvert par une toge. Ce choix perturbe les spectateurs au début puis au final leur semble tout à fait logique. Ces deux costumes superposés montre les deux rôles que tient Antigone : celui d’Antigone, morte emmurée vivante, et Antigone, l’amie de lycée de Jade.

De plus, par son costume Antigone traverse les âges. Le costume d’Inès, dans l’acte I, est un costume de femme qui travaille, rien de plus banal tout, comme Jade qui est habillée comme une lycéenne ordinaire. Or à l’acte II, la mère et sa fille sont habillées presque de la même manière rappelant au public qu’à ce moment-là, elles ont le même âge. Inès porte des couleurs claires et voyantes faisant penser à l’avenir qui l’attend en Occident et Jade porte des couleurs sombres par rapport à l’avenir qu’elle pourrait avoir si elle va jusqu’au bout de sa révolte. A l’acte II il n’y a pas que les costumes qui changent, il y a aussi le décor. On se trouve à Antioche avec la fumée ; les actrices ont soulevé les tapis et arrangé le décor : on a changé de terre. La symétrie qu’avaient Inès et Jade, Jade dans sa chambre à droite de la scène et l’espace d’Inès à gauche a changé. Lors de la confrontation de la mère et de la fille, leurs chemins se sont croisés : Inès se trouve à gauche et Jade à droite. Le travail des comédiennes, Ariane Castellanos, Mounia Zahzam et Sarah Laurendeau. Malgré l’âge des trois comédiennes qui ne correspond pas tout à fait à celui de leur personnage, la relation de la mère et de la fille interprétées par Ariane Castellanos et Mounia Zahzam (Inès et Jade) est des plus crédibles, le public reste subjugué lors de la confrontation, les actrices interprètent leur texte de manière fluide et naturelle avec la dose parfaite d’émotion. Le public pourrait se laisser séduire par l’idée qu’Ariane Castellanos pourrait être la vraie mère de Mounia Zahzam, on en oublie le fait qu’il semble qu’elles aient le même âge. A ce duo fusionnel se rajoute une réelle folie, celle de Sarah Laurendeau, qui interprète une Antigone déterminée et épanouie dans le rôle qu’elle a dans la société.Ainsi, tous les ingrédients pour passer un excellent moment au théâtre sont réunis.

Laetitia Camus (2de 5 )

Antioche prend vie!

Le 7 novembre 2019, au Grand Théâtre d’Albi, Martin Faucher nous a fait vivre à travers sa troupe théâtrale, la pièce Antioche. Souvenons-nous de l’histoire: Jade, Inès et Antigone sont toutes trois des révoltées. Rappellons-nous Antigone, jeune fille emmurée il y a 2500 ans dans la pièce de Sophocle, pour avoir tenté de rendre les hommages funèbres à son frère, et symbole de la révolte. On la retrouve, errant encore, attendant de pouvoir descendre aux Enfers. Jade et sa mère, quant à elles, sont révoltées par les sociétés qui les entourent. Toutes deux, elles font des listes, espérant pouvoir sortir de cette vie qui leur est dédiée : Jade, ayant rencontré un homme sur Internet, souhaite gagner l’Orient afin de rencontrer son amant. Inès, elle, a fuit l’Orient pour vivre en Occident, symbole de liberté à ses yeux.On retrouve les artistes dans un décor simple, la modélisation d’un appartement ou d’une maison probablement. Ce décor simpliste permet de mieux se concentrer sur les artistes. De plus, l’utilisation d’accessoires est modérée, les artistes ne se servent que du nécessaire: les objets connectés, comme par exemple l’ordinateur de Jade sur lequel elle fait ses listes, ou encore la télévision d’Inès.Alexandre Pillon-Guay apporte un jeu de lumières assez intéressant: l’éclairage est faible, mais sert aussi de décor. On le voit par exemple dans l’acte II, à la station service, mais aussi lorsque Antigone a l’opportunité de descendre aux Enfers: la lumière symbolise l’escalier. La lumière joue un rôle important dans la pièce, notamment lorsque Inès entre en scène: elle arrive comme un fantôme; la lumière permet de montrer sa fatigue, son désarroi après une journée de travail.La transition de l’acte I vers l’acte II est réalisée par les actrices : celles-ci répandent des sacs en plastique partout sur scène ; avec peu d’accessoires, on comprend quand-même très bien le changement de lieu.

Antigone, merveilleusement bien interprétée par Sarah Laurendeau, est vêtue d’habits noirs qui reflètent sa personnalité de lycéenne. Par-dessus ces habits-là, elle porte une toge blanche qui permet de la distinguer des autres, mais aussi, car, d’après-elle, la toge fait partie d’elle. Sarah Laurendeau fait vivre une Antigone que l’on retrouve très attachante et drôle, on a envie de l’écouter. Inès, quant à elle, est interprétée par Ariane Castellanos. Elle interprète Inès comme une femme sérieuse, qui reste silencieuse durant la majorité de la pièce. On voit le double rôle d’Inès, une femme travailleuse mais triste au fond d’elle, grâce à ses habits: elle est vêtue en tenue sérieuse, mais le soir, chez elle, s’empresse de se changer et d’enlever ses escarpins. Lors de l’acte II, elle se change avec un survêtement et a un sac, tenue de voyageuse. Pour finir, Mounia Zahzam joue le rôle de Jade, une adolescente qui porte aussi un survêtement, ainsi qu’une tenue de soirée pour le bal du lycée. Cette pièce est très intéressante, notamment au sujet des thèmes abordés très bien reflétés dans cette mise en scène. Bien sûr, l’idée principale est celle de la révolte, représentée par nos trois personnages, mais il y a aussi la dénonciation des sociétés de consommation, représentées par Inès, qui le soir regarde la télévision et achète donc les ingrédients pour réaliser les mêmes recettes que le cuisinier. Il y a aussi le thème de l’adolescence, symbolisé par Jade, qui a envie de se révolter, envie de changer. Pour finir, on peut aussi imaginer le thème de l’influence des réseaux sociaux (Internet), qui est symbolisé par Jade qui rencontre « H » sur Internet et qui souhaite à tout prix le rencontrer. rencontrer. Certes les acteurs de cette pièce sont québécois, cela peut surprendre, et certes il y a donc quelques incompréhensions du texte, mais cette pièce demeure très intéressante, surtout au niveau des thèmes abordés. Envie de se cultiver ? Alors, quel que soit votre âge, allez vite voir Antioche!

Camille JAMMES (2de5)