Biographie
Jean Molla est né en 1958 à Oudja, au Maroc, c’est un auteur français de livres pour la jeunesse.
Il suit des études de lettres, puis continue en tourisme. Son goût pour la lecture le pousse à écrire dès l’âge de dix ans, mais ce n’est que depuis 2000 qu’il publie ses œuvres. Il est également professeur de français au collège et habite aujourd’hui à Poitiers. Il écrit Sobibor en 2003 et réussit à traiter deux sujets compliqués à aborder: l’anorexie et l’extermination des juifs.
Résumé
Emma est une adolescente de 17 ans présentant des troubles alimentaires. Après la mort de sa grand-mère, elle découvre un vieux journal et va ainsi apprendre de terribles secrets concernant ses grands-parents pendant la seconde guerre mondiale, notamment en rapport avec le camp d’extermination de Sobibor. Suite à ces révélations, elle tombe peu à peu un peu plus dans l’anorexie.
Avis personnel
J’ai beaucoup apprécié ce livre car je le considère comme un roman historique grâce aux souvenirs contenus dans le journal du grand-père sur le camp d’extermination de Sobibor, et l’Histoire m’intéresse. De plus, nous suivons la vie d’une adolescente qui subit des troubles alimentaires à travers son journal intime. L’auteur nous rend proche d’elle, sans doute car il parvient à nous faire ressentir la difficulté du passage à l’âge adulte qu’est l’adolescence, avec les difficultés qu’elle peut entraîner comme le manque de confiance en soi, et le refus d’accepter son corps comme le vit Emma.
photo actuelle de ce qui fut l’entrée au camp d’extermination de Sobibor
«Un nouveau convoi de mille deux cents personnes, en provenance de Grabowiec, est arrivé ce matin pour être «réinstallé». Nous l’avons traité avec notre efficacité coutumière, bien que les chambres à gaz soient petites et en nombre insuffisant.»
«Combien de personnes avez-vous tuées depuis le mois de mai? Il ne m’a pas été difficile de répondre puisque c’est moi qui collecte les chiffres transmis à Himmler. J’ai annoncé soixante-dix-sept mille juifs traités.»
« Tout se passait pour le mieux du monde quand un crétin s’est échappé du groupe dans lequel il avait été placé pour courir vers sa mère, qui l’a rejoint, en dépit des ordres stricts qu’on leur avait donnés. […] Elle s’est mise à hurler comme une folle et son gamin a refusé de se détacher d’elle. Je ne savais plus quelle attitude adopter et commençais à perdre contenance. C’est alors que j’ai vu Konrad, à dix mètres de là. Il m’examinait avec une intensité incroyable. J’ai compris qu’il attendait de moi un geste exemplaire. Tous me regardaient d’ailleurs, personnel du camp, prisonniers, retenant leur souffle. J’ai sorti mon arme et j’ai abattu l’enfant. Curieusement, je n’ai rien ressenti. Ni joie, ni haine. Rien. J’avais l’impression d’assister à une scène à laquelle je ne prenais pas part. J’étais le spectateur de mes propres actes, un spectateur étonnamment indifférent. Sous l’impact de la balle, le garçon a été projeté en arrière et s’est effondré. Sa mère est restée figée, la bouche ouverte. Je me souviens d’avoir pensé: «Tiens, elle ne crie plus ». Alors, à son tour, je l’ai abattue.»
«Rapidement, c’est devenu ma drogue : j’avais besoin de manger rien. Un rien qui devenait la chose la plus essentielle à consommer. Un rien désirable. Et j’éprouvais une jouissance démesurée à me laisser remplir de cette absence. Mon estomac vide était le signe de ma liberté. Je n’étais plus asservie à cette dépendance animale qui me faisait horreur.»
«Je suis allée aux toilettes, je me suis agenouillé et j’ai introduit mon index tout au fond de ma gorge. Il a suffit d’un frôlement pour que le hoquet libérateur me secoue. J’ai senti le contenu de mon estomac remonter et gicler par ma bouche ouverte, y causant au passage une brûlure acide. Mes yeux se sont remplis de larmes. Je me suis redressée, j’ai essuyé mes lèvres avec du papier et j’ai tiré la chasse.»
«Bien sûr que ma maigreur fait peur! Ce n’est pas une maigreur élégante. Une maigreur de papier glacé, une maigreur abondante, une maigreur désirable. La mienne est obscène, cauchemardesque. Menaçante au fond. Elle évoque, pêle-mêle les squelettes de peintures médiévales, les malades à l’agonie, les silhouettes faméliques d’un peu partout, celles des rescapés de tous les camps de la terre, celle de tous ceux qu’on essaie d’oublier. Je suis malgré tout une femme, rognée de partout, aux angles vifs, blessants. Vous me regardez en coin, puis vous portez vos yeux ailleurs, mal à l’aise. Je sais qu’en ne mangeant plus, qu’en maigrissant à l’extrême, je me suis bannie de la communauté des hommes. Je me suis moi-même infligé le pire supplice que l’on puisse infliger à l’un de ses semblables…»