Le Cid

Les élèves de 2nde4 ont rencontré les comédiens du Cid mis en scène par Yves Beaunesne et ont assisté à la représentation à la sn d’Albi le 17 janvier.

Un dilemme entre Amour ou Devoir

par Milena Villieu

Les 17 et 18 janvier 2017, Yves Beaunesne et ses comédiens nous ont proposé une représentation du Cid de Corneille, un grand classique, à la scène Nationale d’Albi.
Rodrigue (Thomas Condemine) et Chimène (Zoé Schellenberg) vivent un amour proche de se concrétiser. Don Diègue (Jean-Claude Drouot), père de Rodrigue, a l’intention de demander au
Comte de Gormas (Eric Challier) la main de sa fille à la sortie du Conseil. Malheureusement, tout
ne se passe pas comme prévu : les deux hommes se disputent, et Rodrigue rend l’honneur à sa
famille en tuant le père de sa bien-aimée. La jeune fille réclame justice au Roi (Julien Roy) mais
ne sera point entendue puisque Rodrigue, parti au combat, revient plus glorieux que jamais, ce qui lui vaudra le titre de « Cid ». Le roi pardonne à Rodrigue et s’attire la colère de Chimène qui
demande toujours justice pour son père. Don Sanche (Antoine Laudet) se propose d’aller venger
la belle, mais le roi pose une condition : Chimène se verra épouser le vainqueur de ce combat.
Rodrigue sort vainqueur sans tuer Don Sanche. Cependant, le roi leur accorde du temps avant de
s’unir, pour faire le deuil ou repartir au combat. Cette pièce est la définition même du dilemme
cornélien : le choix entre l’amour et l’honneur. Ce dilemme, c’est d’abord Chimène et Rodrigue qui y sont confrontés, mais aussi la fille du roi y fait face. Il est intéressant de voir comment chacun d’eux affrontent ce dilemme : amour ou honneur, à l’abri des regards ou au grand jour.
Pas d’artifice et de surplus pour une pièce classique !
De nos jours, il n’est pas évident d’interpréter une pièce aussi complexe que celle du Cid . Non
seulement à cause du langage mais aussi à cause de la particularité des rimes et alexandrins.
Pourtant, les comédiens nous ont rapidement fait oublier ces obstacles et le public a pu comprendre (sans déchiffrer) les intentions de chaque personnage. Le rôle de l’Infante fut celui que j’ai le plus apprécié, même si tous les comédiens jouaient très bien. Le rôle de l’Infante est
complexe, et ce personnage ne m’a pas plu lors de la lecture de la pièce. J’avais l’impression qu’il
se plaignait beaucoup et qu’il se trouvait un rôle indispensable entre Chimène et Rodrigue alors
qu’il a peu d’influence sur leur histoire. Or, Marine Sylf a incarné ce personnage de manière à ce
qu’il acquière, de mon point de vue, une place plus importante dans l’histoire. Yves Beaunesne et
Julien Roy se sont amusés avec le personnage de Don Fernand, en le caricaturant légèrement à
l’aide de collants roses, ce qui fut amusant ! En plus de jouer une pièce complexe, les comédiens
ont comblé l’espace sonore avec le chant, ou un instrument pour certains. Ainsi, toute la partie
sonore et musicale était en live et le retour du son dans la salle était très agréable. La spacieuse
scène du théâtre des Cordeliers fut bien utilisée : seulement deux éléments de décor présents en
permanence sur la scène : une grande structure peu volumineuse servant de mur et de porte dans un style oriental, ainsi qu’un simple banc en bois. Un pot de fleurs, une chandelle, un ou deux tabourets faisaient quelques va-et-vient sur la scène, mais pas de surplus concernant le décor. Si certains ont pu trouver que le décor manquait, ce sont les costumes qui se sont occupés de combler ce vide. En effet, les comédiens étaient tous (sans exception) vêtus de costumes tout
droit sortis de la Renaissance. Au programme, longues robes avec corset pour les femmes,
collants et bottes jusqu’aux genoux pour les hommes, sans parler des épées et du « fauteuil
roulant », quelque peu modernisé, du Roi !
Cette tragédie, mise en scène et interprétée plus d’une fois depuis le Théâtre du Marais continue
d’être appréciée, avec cette version plutôt traditionnelle, saupoudrée d’une pointe d’humour.

Le Cid de Corneille : On ne le hait point !
par Lilian Ramphort

Ces mardi 17 et mercredi 18 janvier 2017, Yves Beaunesne et ses dix comédiens nous ont offert au théâtre des Cordeliers à Albi une représentation d’une beauté simple avec une pièce magnifique et fidèle à l’espérance des spectateurs. Un divertissement pour tous les publics où se mêlent les émotions du texte dans sa version originale ainsi que des jeux d’acteurs qui paraissent naturels et agréables.
Ainsi les comédiens ont ces deux soirs remarquablement interprété l’histoire de Don Rodrigue, un jeune chevalier qui pour son premier combat à l’épée se voit venger l’honneur de son père en ôtant la vie au père de Chimène, sa maîtresse. S’ensuit une profonde tristesse dans tous les cœurs : un amour déçu pour Rodrigue, la perte d’un père pour Chimène, ou encore des feux inavouables pour l’Infante qui ne peut épouser Rodrigue ce dernier n’étant pas de sang royal. Le jeune homme est à ce moment envoyé par le Roi de Castille combattre les Maures aux portes de Séville et remplacer le défunt à la tête des armées. Certains espèrent là son trépas, d’autres qu’il pourra reconquérir sa bien-aimée Chimène.

cid
Malgré un public quelque peu apathique ce mardi, les comédiens ont su s’imprégner de leur personnage et
renvoyer toute la puissance de leurs sentiments. Pour les aider, Yves Beaunesne avait décidé de créer des costumes donnant une illusion d’époque sur-mesure ce qui donne une dimension supplémentaire et, bien qu’il il y ait des contraintes, permet de décupler l’authenticité. De plus, l’âge des personnages a été globalement respecté lors du choix des acteurs ; un élément de plus afin de s’identifier le mieux possible à leur rôle durant leurs deux mois de répétition dans la ville de Malakoff dans les Hauts-de-Seine.
On a donc tout d’abord observé un Comte stoïque et froid se quereller avec un vieux Don Diègue attendrissant la salle prise de compassion. L’Infante, un personnage peut-être anodin ou une anecdote secondaire, est remise en valeur par la performance expressive et l’énergie déployée par Marine Sylf. Il n’y a non plus rien à redire des jeux de Thomas Condemine et Zoé Schellenberg, les interprètes respectifs des amants Rodrigue et Chimène. On peut cependant noter une modification du scénario par le metteur en scène qui, bien qu’ayant gardé conformes les rôles d’Elvire et de Léonor, a supprimé ceux de Don Alonse et du Page pour en donner la majeure partie à Maximin Marchand (Don Arias) : « C’est probablement dans un souci de clarté et pour des questions pratiques », explique Thomas Condemine. Yves Beaunesne s’est également permis de nous montrer un personnage de Roi légèrement caricaturé (très vieux, faible, et avançant sur une chaise roulante), sans doute dans un but comique ainsi que pour peut-être apporter une petite touche de modernité.
Pour toujours plus de véracité et pour plaire d’avantage au public, les comédiens ont réalisé de nombreux chants en mozarabe : une langue formée d’espagnol, d’arabe et de latin, parlée par les chrétiens vivant sur le territoire espagnol conquis par les armées musulmanes au VIIIe siècle. Ils ont été créés par le français Camille Rocailleux sur les voix des interprètes et nous ont été entièrement interprétés en live, même la musique ! Ces performances permettent aussi au metteur en scène de rappeler, surtout en ce moment, que la cohabitation entre les religions est possible.
Ce spectacle a également un aspect simpliste (mais intéressant car on peut imaginer sa propre ambiance) donné notamment par un décor unique dans un style arabo-andalou qui permet de mettre en scène par seulement quelques mouvements automatiques la cour du palais royal, une chambre chez Chimène ou encore un dialogue entre deux personnages à l’intérieur et à l’extérieur d’un bâtiment. Cela peut être très intéressant pour reléguer une scène statique (par exemple le Comte mort) à l’arrière-plan. Don Gomès surprend d’ailleurs les spectateurs lorsque, en arrivant par l’arrière du décor, il revient des Enfers dans un grand cri à la fin de la dernière scène. Un choix de mise en scène qui laisse l’assistance perplexe : est-il contre la réconciliation de Rodrigue et sa fille ? Chimène, en tombant, rit-elle ou pleure-t-elle ? Est-elle enfin libérée ou encore hantée par la mort de son père ? Tant de questions qui forcent à une réflexion approfondie et autorisent l’assemblée à faire son choix.
Ainsi, c’est à un très beau tableau du Cid que nous avons pu assister à Albi ; deux représentations émouvantes d’une pièce dont tout le monde a des attentes. Cela traduit une belle réussite du metteur en scène car « on peut avoir les bons ingrédients et rater sa soupe », nous rappelle Marine Sylf. Mais c’est également le succès des comédiens qui ont beaucoup donné pour ce projet et se pensent chanceux de le vivre. Un enthousiasme que l’on a retrouvé sur scène et qui a participé à un spectacle qui restera dans les mémoires.
Les prochaines dates à retrouver sur
http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Le-Cid-18302/